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HAMLET – Shakespeare – Gerard Watkins – DU 29 JUIN AU 10 JUILLET 2021 – THEATRE DE LA TEMPÊTE

C’est un rendez vous avec la plus mythique des écritures de Shakespeare. Pour y voguer avec la troupe dans une traversé fulgurante d’un monde dont le pourrissement a commencé bien avant le meurtre de Hamlet père. Celle des guerres absurdes menées par des orgueils démesurées, celle des amours violents et possessifs, celle de place assignée de la femme dans l’histoire, qui est celle du monde, comme celle du théâtre. Avec pour objectif de jouir ensemble de cette magnifique leçon d’anti-héroïsme par la plus belle tribu de losers jamais inventé. Pour traduire je n’ai ouvert que les textes anglais, et j’ai eu la joie de plonger dans l’histoire de ses représentations. J’ai pu y développer et y inscrire mes interrogations. Remplacer le pentamètre par une forme de musicalité et d’invitation à la scansion. Et concentrer le texte par des coupes sur son aspect familial plutôt que militaire.

J’ai tenu à renouer avec cette tradition dans la tradition qu’Hamlet soit jouée par une immense actrice. Ce sera ma cinquième collaboration avec Anne Alvaro, une sorte de célébration de notre amour du travail. Il y a chaque année quelque part dans le monde une femme qui joue Hamlet. J’y vois au delà de l’empowerment nécessaire, une volonté de déjouer la transmission de la vendetta, de la bien trop persistante violence masculine, pour faire machine avant vers l’empathie, le sensible, la pensée, et la poétique. Pourtant le fantôme du père, errant dans son purgatoire pour n’avoir eu la possibilité d’expier ses crimes atroces, sera tenace. Et gâchera à jamais pour le prince toute possibilité d’un amour heureux. Aucun parcours ne raconte mieux l’iniquité et l’injustice faite aux femmes que le parcours d’Ophélie. Elle y est décrite de manière quasi géométrique. A Laërtes sont proposées la liberté et la jouissance, à Ophélie, l’enfermement et le dogme de la peur d’être abusée sexuellement.
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Mais la magnifique invention de Shakespeare va bien au delà d’un règlement de compte. Il dirige son ensemble scénique vers la plus parfaite symbiose des « amants, fous et poètes ». Mes récentes recherches sur l’Hystérie (pour Ysteria) m’ont ouvert des portes empathiques et compréhensives sur le mystère humain, et sur les degrés d’expressions artistiques véhiculées par la folie. Les essais de Freud, qui a toujours cherché dans les œuvres d’art de théâtre, de Shakespeare à Ibsen, les traces de l’invention de la psychanalyse, et d’autres, sont évidemment une source d’inspiration quand il s’agit de s’attaquer à celle d’Hamlet. Mais on peut fouiller là-dedans autant qu’on veut, on n’y trouvera pas aucune réponse. Car c’est précisément le théâtre produit, dans tout son art, dans toute sa mise en abime, présent derrière chaque syllabe, qui nous embarquera, de signes en signes, vers le sommet d’un pur au-delà poétique. Et on se prendra de plein fouet, car il est bien question de cela, la voracité de la représentation de la folie par Hamlet. On le sait amoureux de l’art dramatique comme on le sait enclin à la mélancolie. L’extension de la folie vers la poésie est, chez Shakespeare, naturelle. Shakespeare semble mettre ici de côté son art d’une poésie au service de l’art d’aimer pour la faire basculer au service de l’art d’être fou. Troubles d’oppositions comportementales, hallucinations visuels et auditives, mélancolies psychédéliques seront donc au rendez-vous. Ophélie nous enterrera tous avec une leçon d’art brut dont on ne se relèvera pas. Ce n’est pas juste Hamlet qui est subversif et insolent. C’est Shakespeare, se cachant comme d’habitude derrière un léger paravent, qu’il suffit de déplacer. Parce qu’au théâtre, on y déplace des paravents. Gerard Watkins